Mgr Bertrand Blanchet

6- Mgr Bertrand Blanchet, sixième évêque de Gaspé de 1973 à 1992

L’évêque dans la communauté

Bertrand Blanchet (1932-   ), prêtre du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, est ordonné 6e évêque de Gaspé le 8 décembre 1973, par Monsieur le Cardinal Maurice Roy, archevêque de Québec.

Il connaissait la Gaspésie par l’intérieur pour avoir arpenté ses forêts dans le cadre de son projet de doctorat en Sciences forestières qui portait sur les cédrières du Québec et qu’il terminera en 1975. De professeur qu’il était au Collège de La Pocatière, il a eu à apprendre, avec les gens d’ici, son ministère d’évêque en même temps qu’à entrer dans le mouvement, encore fragile, amorcé par Vatican II pour passer d’une Église pyramidale à une Église peuple de Dieu.

Amoureux de musique et fin imitateur des oiseaux, homme de nature et de foi, de l’eucharistie et de la marche, de l’intérieur et de la périphérie, ouvert à la nouveauté tout en étant fidèle aux origines, il n’a eu ni blason ni devise. Il a été, de 1973 à 1993, au cœur de son vaste diocèse, l’homme des Béatitudes. Il faudrait peut-être revisiter son ministère à la lumière de l’homélie qu’il a commencée en disant « Chère Église de Dieu qui es à Gaspé », lors du 10e anniversaire de la cathédrale, le 25 novembre 1979. Il a terminé par ces mots : « Que dans cette société dont le pluralisme grandit, le monde puisse découvrir en toi, Église de Dieu qui es à Gaspé, le visage de Jésus-Christ. »

Son ministère a presque commencé avec l’annonce de l’Année sainte 1975 portant sur la réconciliation et dont l’ouverture a eu lieu le 3 mars 1974. Ce fut l’occasion d’un premier pèlerinage initiateur à travers le diocèse par les rencontres en secteurs où une équipe avait préparé un temps de réflexion et de prière sur le thème de la réconciliation. Son ministère ici s’est terminé peu après un autre pèlerinage vécu dans les zones pastorales, au cours de 1990, où des groupes de toutes appartenances ont été rassemblés par un texte d’évangile proclamé et suivi d’échanges portant sur l’Évangile d’abord puis sur deux questions : La Gaspésie a-t-elle un avenir? Et : L’Église a-t-elle un avenir en Gaspésie?

Entre ces deux pèlerinages, Mgr Blanchet présida à la formation du Conseil diocésain de Pastorale lors du rassemblement diocésain tenu à Gaspé les 1er et 2 octobre 1988 sous le thème : « Baptisé-e, à toi la Parole » (illustré par le poster sur la pochette). Vous souvenez-vous de la célébration eucharistique de clôture à la cathédrale? Vous souvenez-vous du choix varié des participants-es et des déplacements de ce conseil pour la tenue de ses réunions dans l’une ou l’autre paroisse hôte?

Dans l’élan des priorités diocésaines qui ont voulu stimuler les communautés chrétiennes depuis celles des années 1978-79-80 : « Au cœur de nos solidarités, Jésus-Christ », suivie de : « C’est ensemble qu’on fait Église » et les autres…, l’année 1991 fut particulièrement signifiante de « l’être avec » dans la « solidarité » présentée comme « passion de l’humain ». Il faut faire mémoire ici des liens privilégiés que Mgr Blanchet a réussi à tisser et à nourrir avec les autochtones du diocèse, année après année. Le 15 mars 1991, Mgr Blanchet, interpellé par le mouvement amorcé par l’Union des producteurs agricoles sur le monde rural québécois, solidaire des MRC, des CLSC, et autres organismes, lance la publication « La Gaspésie a-t-elle un avenir? » et annonce le Ralliement gaspésien-madelinot qui se tiendra à Chandler le 26 mai suivant. Il dira quelque temps après cet événement : « Nous étions heureux d’être là, en plein vent de ce grand souffle de fierté et solidarité… Le Rassemblement gaspésien…c’est une réserve d’énergie à laquelle nous pouvons continuer à puiser… » (26 sept. 1991)

Et en octobre 1991, lors de l’assemblée diocésaine tenue à Maria, Mgr Blanchet offrait, dans un document longuement travaillé et retravaillé à plusieurs, la vision d’Église dans laquelle les communautés désiraient cheminer. Son texte final intitulé « L’Église de Dieu qui est en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine » contient de riches pistes de réflexion et de pertinentes questions. C’est à méditer encore… Car l’Église communion est toujours dans la mire… En 1993, un autre défi attendait Mgr Blanchet comme archevêque dans le diocèse de Rimouski…

Pistes de réflexion et d’échanges :

En plus de ces souvenirs, qui se souvient des chantiers, de la visite de Jean-Paul II au Canada et des Fêtes de 1984 à Gaspé, des priorités pastorales, des rassemblements de jeunes, des retraites Foi et partage, des orientations pour la préparation au baptême, du langage inclusif, des changements dans la catéchèse, des rencontres décontractées à la Soupape, etc.? Qu’est-ce que ces souvenirs éveillent en regard de la devise du diocèse : « nous grandirons dans le Christ à travers et par tous les événements »?

Les quatre questions insérées dans « L’Église de Dieu qui est en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine » seraient-elles encore pertinentes après plus de 25 ans ? « Pour que la Parole de Dieu demeure vivante… »… « pour que nos célébrations eucharistiques partent davantage de notre vie… »… « Nos communautés chrétiennes se sentent-elles responsables de la transformation du milieu de vie? »… « quelle piste d’action retenir pour que ma communauté chrétienne œuvre davantage en coresponsabilité? »

Refrain : Rendons grâce au Seigneur, car il est bon… éternel est son amour

Proclamer le texte des Béatitudes : Matthieu 5, 1-12 – faire suivre d’un temps de silence –

Terminer la rencontre par le beau texte choisi par Mgr Blanchet et lu tous ensemble lors du rassemblement :

« Nous n’oublierons pas qu’au-delà de nos engagements personnels, si généreux et nécessaires soient-ils, c’est l’Esprit qui construit notre Église. Permettez-moi, à cet égard, de vous laisser un très beau texte d’un Père de l’Église :

« Sans l’Esprit Saint :

Dieu est lointain,

le Christ reste dans le passé,

l’Évangile est une lettre morte,

l’Église est une simple organisation,

l’autorité est une domination,

la mission est une propagande,

le culte est une simple évocation,

l’agir du chrétien, une morale d’esclave.

Mais avec l’Esprit Saint :

Le Cosmos est soulevé et gémit,

dans l’enfantement du Royaume,

le Christ ressuscité est là,

l’Évangile est puissance de vie,

l’Église signifie communion,

l’autorité est un service libérateur,

la Mission est une Pentecôte,

la liturgie est un mémorial,

l’agir humain est déifié. »

Ignace de Lattaquié

Chantons

Magnificat! Magnificat! Mon cœur exulte d’allégresse.

Magnificat! Magnificat! Mon cœur exulte d’allégresse.

Rita Gagné, o.s.u.

Complément

Mgr Bertrand Blanchet et la communauté Mi’gmaq

Salut à vous, le peuple Mi’gmaq de la Gaspésie

Le 9 septembre 1984, le pape Jean-Paul II inaugure sa visite au Canada par une salutation qu’il adresse aux gens de Gaspé:

         « Salut, croix de Jésus, signe de notre espérance.

Salut, croix de Gaspé.

Salut à vous, gens de Gaspé dont la vie est si intimement liée à la terre, à la forêt et à la mer.

Salut à vous, Amérindiens, Amérindiennes et Inuits qui habitez ici depuis des temps immémoriaux. Puissiez-vous vivre toujours dans la pleine reconnaissance de votre dignité et de vos droits. »

         Cette attention toute spéciale portée au peuple Mi’gmaq de la Gaspésie faisait partie de la sollicitude pastorale de Mgr Bertrand Blanchet, cet évêque qui a présidé aux célébrations du 450e anniversaire de l’arrivée de Jacques Cartier à Gaspé en 1984.

         Déjà, il leur avait adressé un message spécial, à l’occasion de la béatification de Kateri Tekakwitha en 1981 : « Je voulais vous dire que je partageais votre joie… Nous sommes heureux de votre présence en Gaspésie… Nous nous réjouissons beaucoup des efforts que vous faites pour conserver et promouvoir l’usage de votre langue et vos traditions. »

Il ajoute : « Il faut reconnaitre que nous n’avons pas toujours su vous considérer comme des frères et sœurs. »

         En 1981, Mgr Blanchet avait pris une position remarquable à l’occasion du conflit de la pêche au saumon à Listuguj.

« Je ne cacherai pas ma sympathie profonde pour les Indiens Mi’gmaq de notre région. Car il y a des réalités que personne d’entre nous ne devrait oublier. J’en cite quelques-unes :

– comment les terres des réserves indiennes si petites peuvent-elles fournir une base économique capable de garantir l’avenir des communautés qui y vivent? »

Il aborde l’écart de l’espérance de vie entre un Canadien et un Amérindien, la mortalité infantile, l’éducation et d’autres réalités propres à cette communauté.

Il termine : « Je réitère donc ma sympathie profonde aux Indiens Mi’gmaq dans ce qui me parait être, avant tout, une manifestation de leur volonté de vivre et une affirmation de leur dignité. »

         Quelques années plus tard, en 1991, à l’occasion du conflit Mohawk, il va plus en profondeur : « Certains discours ou gestes ne paraissent pas très influencés par les valeurs évangéliques.

…Sur quelles valeurs fonder notre vie en commun?

Dans des situations de discorde, revient souvent le mot tolérance. En un premier sens, la tolérance consiste à « ne pas interdire ou exiger alors qu’on le pourrait ». Elle demeure ce qu’on pourrait appeler une vertu du minimum.

Le respect a une connotation plus positive. Il implique la reconnaissance de la valeur des autres et de ce qu’ils apportent à la vie en commun. Cette attitude sous-tend le véritable pluralisme… l’affirmation de ses propres valeurs dans le respect des valeurs des autres.

« … Pendant des générations, sinon des siècles, nous avons accordé bien peu de prix aux diverses composantes des cultures amérindiennes, Nous avons agi comme si elles n’offraient rien de valable à la vie collective.

« … Le respect conduit naturellement à la reconnaissance des droits et à l’exercice de la justice.

Une question demeure difficile. Les Amérindiens revendiquent des droits ancestraux particulièrement à l’égard des territoires souvent très vastes… et les gouvernements ne savent pas à quoi ils correspondent…

« Enfin au-delà de la tolérance, du respect et de la justice vient la charité… qui considère l’autre à la façon d’un frère ou d’une sœur, avec la part de générosité que cette relation implique. »

         À la fin de sa lettre, Mgr Blanchet invitait, en cette année 1990, à une journée de réconciliation et de prière. « Seule la prière peut en effet nous aider à effectuer les nécessaires conversions de regard et d’attitudes. »

Pistes de réflexion :

Prenons le temps de regarder l’invitation du pape François dans la lettre Loué sois-tu qu’il nous a envoyé en 2015.

146. « Dans ce sens, il est indispensable d’accorder une attention spéciale aux communautés indigènes et à leurs traditions culturelles. Elles ne constituent pas une simple minorité parmi d’autres, mais elles doivent devenir les principaux interlocuteurs, surtout lorsqu’on développe les grands projets qui affectent leurs espaces. En effet, la terre n’est pas pour ces communautés un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs. Quand elles restent sur leurs territoires, ce sont précisément elles qui les préservent le mieux. Cependant, en diverses parties du monde, elles font l’objet de pressions pour abandonner leurs terres afin de les laisser libres pour des projets d’extraction ainsi que pour des projets agricoles et de la pêche, qui ne prêtent pas attention à la dégradation de la nature et de la culture. »

Pistes de réflexion et d’échanges :

Mgr Blanchet disait dans sa lettre de 1990, au sujet de la charité : « Elle nous aide à regarder l’autre avec quelque chose du regard que posait Jésus lui-même sur toutes les personnes blessées dans leur dignité. »

Comment développer un tel regard pour que se produise une relation généreuse avec l’autre dans le monde d’aujourd’hui, sur la route de la tolérance, du respect et de la justice?

Prière à Sainte Kateri Tekakwitha

Sainte Kateri Tekakwitha, comme une grande sœur auprès de Dieu, tu veilles discrètement sur nous. Que Ton amour pour Jésus et Marie nous inspire les paroles et les gestes de la fraternité, de la réconciliation et du pardon.

Demande à Dieu de nous donner le courage, l’audace et la force pour construire un monde de justice et de paix entre nous comme entre les nations.

Comme Toi, nous voulons aller à la rencontre du Seigneur présent jusqu’au plus profond de la nature, et devenir les témoins de la Vie.

Avec Toi nous offrons notre louange au Père, au Fils et à l’Esprit. Amen.

Chantons

Magnificat! Magnificat! Mon cœur exulte d’allégresse.

Magnificat! Magnificat! Mon cœur exulte d’allégresse.

Mgr Bertrand Blanchet and the Mi’gmaq community

On September 9, 1984, Pope John Paul II inaugurated his visit to Canada with a greeting addressed to the people of Gaspé:

« Hail, cross of Jesus, sign of our hope.  Hail, cross of Gaspé. Greetings to you, people of Gaspé whose life is so intimately linked to the land, to the forest and to the sea. Greetings to you, First Nations and Inuit Peoples who have lived here since time immemorial. May you always live in full recognition of your dignity and your rights. »

This special attentiveness was indicative of Bishop Bertrand Blanchet’s pastoral solicitude towards the Mi’gmaq people of the Gaspésie. Mgr Blanchet presided over the 450th anniversary celebrations of Jacques Cartier’s arrival in Gaspé in 1984.

In 1981, he adressed the Mi’gmaq community with a special message on the occasion of the beatification of Kateri Tekakwitha: « I want to tell you that I share your joy… We are blessed by your presence in the Gaspésie… We rejoice at your efforts to preserve and promote the use of your language and your traditions. » He adds: « We must recognize that we have not always treated and considered First Nations Peoples as our brothers and sisters. »

In 1981, Bishop Blanchet also took a remarkable stance during the salmon fishing dispute in Listuguij.

« I will not hide my deep sympathy for the Mi’gmaq Peoples in our region. There are realities that not one of us should forget. I quote some of them: ‘How can such small Indian reserve lands provide an economic base to guarantee the future of the communities that live there?’ »

Mgr Blanchet addressed the differences between the life expectancy of a Canadian and that of a First Nations person; infant mortality; education and other realities unique to Mi’gmaq community.

He concluded: « I therefore reiterate my deepest sympathy to the Mi’gmaq Peoples in what seems to me to be, above all else, the manifestation of their will to live and an affirmation of their dignity. »

During the Mohawk conflict of 1991, he said: « Certain speeches or gestures do not seem to be influenced on evangelical values.  On which values do we base our lives in our common home? »

« In situations of discord, the word tolerance often comes up. In a first sense, tolerance means ’not forbidding’ or ‘refraining from demanding something even though we could’. Tolerance can be called the ‘minimum of virtues’. »

« Respect has a more positive connotation. It involves recognizing and acknowledging the value of others and what they bring to our common home. This attitude implies true pluralism… the affirmation of one’s own values while respecting the values of others. »

« … For generations, if not centuries, we have given little value to the various components of First Nations cultures. We acted as if they offered nothing of value to our common home. »

« … Respect naturally leads to the recognition of rights and the exercise of justice. »

« An issue remains difficult to resolve. First Nations Peoples claim aboriginal rights, particularly regarding often vast territories … and the government does not know what they correspond to… »

« Finally, beyond tolerance, respect and justice comes charity… Charity considers the other person as a brother or sister, with all the generosity that this relationship implies. »

In 1990, at the end of his letter, he invited everyone to a day of reconciliation and prayer. « Only prayer can help us to make the necessary conversions to our points of view and attitude. »

Let’s take a moment to consider Pope Francis’ invitation in his encyclical letter « Laudato Si’ – Care for our Common Home » published in 2015.

146. In this sense, it is essential to show special care for indigenous communities and their cultural traditions. They are not merely one minority among others, but should be the principal dialogue partners, especially when large projects affecting their land are proposed. For them, land is not a commodity but rather a gift from God and from their ancestors who rest there, a sacred space with which they need to interact if they are to maintain their identity and values. When they remain on their land, they themselves care for it best. Nevertheless, in various parts of the world, pressure is being put on them to abandon their homelands to make room for agricultural or mining projects which are undertaken without regard for the degradation of nature and culture.

Points for reflection and exchange :

In his 1990 letter, Bishop Blanchet had this to say concerning charity : « It helps us to look at another person in the way that Jesus himself looked at those who were treated with indignity. How do we develop a way of looking at another person so that a relationship based on generosity can be developed in today’s world, a relationship that goes beyond tolerance of respect and justice? »

Prayer to Saint Kateri Tekakwitha

Saint Kateri Tekakwitha,

our elder sister in the Lord,

discreetly, you watch over us;

May your love for Jesus and Mary

inspire in us words and deeds

of friendship, of forgiveness and of reconciliation.

Pray that God will give us the courage,

the boldness and the strength

to build a world of justice and peace

among ourselves and among all nations.

Help us, as you did, to encounter

the Creator God present in the very depths of nature,

and so become witnesses of Life.
With you, we praise the Father, the Son and the Spirit.

Amen.

Magnificat! Magnificat! My heart exults with joy.

Magnificat! Magnificat! My heart exults with joy.

Remerciements

André Philippe, composition des textes

Collaboration spéciale :

Madame Rita Gagné, o.s.u. pour le texte de Mgr Bertrand Blanchet et Monsieur Joseph Deschênes, prêtre pour le texte de Mgr Raymond Dumais

Lecture des textes : Réjeanne Parent, f.m.a. et Clifford Greene, prêtre, Eileen Perry, Mireille Simoneau et Suzanne Fournier des Services diocésains

Merci à Madeleine Laflamme, Chantal Robichaud, Marcelle Roussy, S.P.C.;

Crédit photo : Archives du Diocèse de Gaspé, Photographie Dachowski pour la photo de Mgr Gaétan Proulx, O.S.M et Eileen Perry pour la cathédrale du Christ-Roi